Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/271

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il a voulu tuer. « Voyez comme je suis sincère ! Il faut donc me croire quand je vous dis que je n’ai pas accompli mon dessein ! » Oh ! dans ces moments, les criminels sont quelquefois très-puérils !… Comme par hasard, l’instruction lui fait la question la plus naïve : « Ne serait-ce pas Smerdiakov qui aurait tué ? » Et il arrive ce que nous avions prévu : il se fâche d’être devancé, d’avoir été pris à l’improviste, avant qu’il eût pu se préparer à choisir le moment propice pour mettre en avant Smerdiakov. Son tempérament l’emporte aussitôt dans une autre extrémité, il nous soutient que Smerdiakov est incapable d’assassiner. Mais ce n’était qu’une ruse. Il ne veut pas du tout se priver de ce moyen de défense, il nous opposera tout à l’heure encore Smerdiakov ; mais plus tard, car pour l’instant l’affaire est gâtée ; demain, dans plusieurs jours peut-être : « Vous voyez, je niais que ce fût Smerdiakov, vous vous en souvenez : mais maintenant j’en suis convaincu ! C’est Smerdiakov qui a tué ! » Il s’irrite, il s’impatiente et sa colère lui suggère l’explication la plus invraisemblable : il a vu son père à la fenêtre et s’en est éloigné doucement ! Il ne savait pas encore toute l’importance de la déposition de Grigori. Nous faisons une perquisition dans ses vêtements, cela le met hors de lui, mais lui rend courage ; car nous ne trouvons sur lui que cent cinquante roubles au lieu de trois mille. C’est alors que l’idée de l’amulette lui vient à l’esprit. Il invente tout un roman et s’efforce de nous y faire croire. Nous lui opposons le témoignage de Grigori, qui a vu ouverte la porte par laquelle est sorti l’assassin. Il n’eût pu s’imaginer que le fait fût connu de Grigori. L’effet est colossal : Karamazov