Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/273

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famille ! Car vous représentez ici la Russie tout entière, et ce n’est pas dans cette salle seulement que retentira votre verdict : toute la Russie vous écoute, vous, ses apôtres et ses juges, l’arrêt que vous allez rendre va l’attrister ou lui donner courage ! Ne trompez pas son attente ! Notre troïka vole au galop — peut-être vers l’abîme. Il y a longtemps que beaucoup des nôtres lèvent les bras et voudraient arrêter cette course folle. Eh ! si les autres peuples s’écartent sur son passage, ce n’est peut-être pas par déférence, comme l’ont voulu les poëtes, c’est peut-être par terreur, c’est peut-être par dégoût. Eh ! il est heureux qu’ils s’écartent ; craignez qu’ils ne dressent sur la route un mur solide devant ce fantôme, et qu’ils n’arrêtent cet emportement effréné de notre licence pour en préserver leur société et la civilisation. Elles nous sont déjà venues d’Europe, les voix inquiétantes : ne tentez donc pas nos ennemis ! N’accumulez pas les haines qui vont croissant ; ne les augmentez pas par l’acquittement d’un parricide !… »

La péroraison de Hippolyte Kirillovitch produisit un grand effet. Il l’avait dite avec beaucoup de pathétique.

VIII

Tout se tut dans la salle quand le défenseur se leva. Toute l’assistance avait les yeux vers lui.

Messieurs les jurés, commença-t-il, je suis ici un