Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/301

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— Pardonnez-moi.

L’autre la regarda en face, et, après un court silence, lui dit d’une voix perfide :

— Nous sommes méchantes, ma petite mère, vous et moi, toutes deux : pouvons-nous donc nous pardonner ? Mais sauve-le, et je prierai pour toi pendant toute ma vie.

— Et tu lui refuses ton pardon ! cria Mitia.

— Sois tranquille, je le sauverai ! se hâta de dire Katia, et elle sortit vivement.

— Et tu as pu lui refuser ton pardon quand elle te le demandait ! répéta Dmitri avec amertume.

— Ne lui fais point de reproches, Mitia ! Tu n’en as pas le droit, observa Alioscha.

— C’est son orgueil qui parlait, non pas son cœur, dit avec dégoût Grouschegnka. Quand elle t’aura sauvé, je lui pardonnerai, et…

Elle se tut soudainement, comme si elle refoulait ses sentiments au fond d’elle-même. D’ailleurs, nous devons ajouter qu’elle était entrée par hasard, sans s’attendre à rencontrer Katherina Ivanovna.

— Alioscha, cours-lui après, reprit avec violence Mitia, dis-lui… je ne sais quoi… ne la laisse pas partir ainsi !

— Je reviendrai ce soir, répondit Alioscha en serrant la main de son frère.

Il rejoignit Katia. Elle marchait vite. En entendant le pas d’Alioscha elle se retourna et lui dit :

— Non, devant cette femme-là, il m’est impossible de m’humilier. Je l’ai priée de me pardonner, parce que je