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jettit tant bien que mal les fers à ses pieds et à ses mains, puis, sans bruit, descendit dans la salle où dormaient les prisonniers et les soldats.

L’aspect était sinistre, de ces corps étendus, immobiles, sauf les rares et inconscients mouvements du sommeil. Et Alioscha songeait que tous ces hommes étaient également condamnés, aussi bien les gardiens des forçats que les forçats eux-mêmes, tous condamnés à une dure loi de misère, de servitude, de violence, et que peut-être en nul de ces cerveaux obscurcis ne jaillirait l’éclair de la bonté miséricordieuse qui seule illumine le monde. « Il est bon qu’un innocent descende parmi eux », songea-t-il.

Alioscha s’étendit à la place qu’avait occupée Mitia.

VI

Il s’endormit presque aussitôt. Son esprit était si tranquille, sa conscience si pure !

Et il eut un rêve.

Celui qu’il appelait son père, son maître et son grand ami, le starets Zossima parut devant lui. Il s’approcha d’Alioscha, lui imposa les mains sur le front, le baisa sur les lèvres, et ce baiser rafraîchit étrangement le cœur du jeune homme.

— Bien, fils, dit le vieillard. Ta vie commence aujourd’hui, et elle commence bien. Je t’ai toujours beaucoup