Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/171

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Stépan Trophimovitch voulut de nouveau prendre la parole :

— Chère amie…

— Oh ! faites-nous grâce de vos discours, Stépan Trophimovitch ; nous sommes déjà assez déroutés comme cela ; si vous vous en mêlez, ce sera complet… Tirez, je vous en prie, le cordon de sonnette que vous avez près de vous, il communique avec la chambre des servantes.

Il y eut un silence. La maîtresse de la maison promenait sur chacun de nous un regard soupçonneux et irrité. Entra Agacha, sa femme de chambre favorite.

— Donne-moi le mouchoir à carreaux que j’ai acheté à Genève. Que fait Daria Pavlovna ?

— Elle n’est pas très bien portante.

— Va la chercher. Dis-lui que je la prie instamment de venir malgré son état de santé.

En ce moment, des pièces voisines arriva à nos oreilles un bruit de pas et de voix semblable à celui de tout à l’heure, et soudain parut sur le seuil Prascovie Ivanovna. Elle était agitée et hors d’haleine ; Maurice Nikolaïévitch lui donnait le bras.

— Oh ! Seigneur, ce que j’ai eu de peine à me traîner jusqu’ici ! Lisa, tu es folle d’en user ainsi avec ta mère ! gronda-t-elle, mettant dans ce reproche une forte dose d’acrimonie, selon l’habitude des personnes faibles, mais irascibles.

— Matouchka, Barbara Pétrovna, je viens chercher ma fille chez vous !

La générale Stavroguine la regarda de travers, se leva à demi, et, d’un ton où perçait une colère mal contenue :

— Bonjour, Prascovie Ivanovna, dit-elle, fais-moi le plaisir de t’asseoir. J’étais sûre que tu viendrais.