Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/208

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à lui adresser des sommations stupides, à le menacer d’un procès si, désormais, le payement de la pension n’est pas effectué entre ses mains. Ainsi il considère comme un tribut le don volontaire de Nicolas Vsévolodovitch, — pouvez-vous imaginer cela ? Monsieur Lébiadkine, est-ce vrai, tout ce que je viens de dire ici ?

Le capitaine, qui jusqu’alors était resté silencieux et tenait ses yeux fixés à terre, fit soudain deux pas en avant ; il était tout rouge.

— Pierre Stépanovitch, vous m’avez traité durement, articula-t-il avec effort.

— Durement ? Comment cela et pourquoi ? Mais permettez, nous parlerons plus tard de la dureté ou de la douceur, maintenant je vous prie seulement de répondre à cette question : _Tout _ce qu j’ai dit est-il vrai, oui ou non ? Si vous y trouvez quelque chose de faux, vous pouvez immédiatement le déclarer.

— Je… vous savez vous-même, Pierre Stépanovitch… balbutia le capitaine, et il ne put en dire davantage.

Je dois noter que Pierre Stépanovitch était assis dans un fauteuil, les jambes croisées l’une sur l’autre, tandis que le capitaine se tenait debout devant lui dans l’attitude la plus respectueuse.

Les hésitations de M. Lébiadkine parurent déplaire vivement à son interlocuteur : dans l’irritation qu’éprouvait Pierre Stépanovitch, les muscles de son visage se contractèrent.

— Au fait, voulez-vous déclarer quelque chose ? reprit-il en observant le capitaine d’un œil cauteleux ; — en ce cas, parlez, on vous attend.

— Vous savez vous-même, Pierre Stépanovitch, que je ne puis rien déclarer.

— Non, je ne sais pas cela, c’est même la première nouvelle que j’en ai ; pourquoi donc ne pouvez-vous rien déclarer ?

Le capitaine garda le silence et baissa les yeux.

— Permettez-moi de me retirer, Pierre Stépanovitch, dit-il résolument.