Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Hum ! et c’est moi qui vous ai éveillé ?

— Oui, c’est vous qui m’avez éveillé, Pierre Stépanovitch ; pendant quatre ans j’ai dormi sous un nuage. Puis-je enfin m’en aller, Pierre Stépanovitch ?

— À présent vous le pouvez, si toutefois Barbara Pétrovna elle- même ne croit pas nécessaire…

Mais d’un geste dédaigneux elle congédia le capitaine.

Lébiadkine s’inclina, fit deux pas pour se retirer, puis s’arrêta brusquement ; il mit la main sur son cœur, voulut dire quelque chose, ne le dit pas et gagna la porte en toute hâte, mais sur le seuil il rencontra Nicolas Vsévolodovitch ; celui-ci se rangea pour le laisser passer ; le capitaine se fit soudain tout petit devant lui et resta cloué sur place, fasciné à la vue du jeune homme, comme un lapin par le regard d’un boa. Après avoir attendu un moment, Nicolas Vsévolodovitch l’écarta doucement et entra dans le salon.

VII

Il était gai et tranquille. Peut-être venait-il de lui arriver quelque chose de très heureux que nous ignorions encore ; quoi qu’il en soit, il semblait éprouver une satisfaction particulière.

À son approche, Barbara Pétrovna se leva vivement.

— Me pardonnes-tu, Nicolas ? se hâta-t-elle de lui dire.

Il se mit à rire.

— C’en est fait ! s’écria-t-il plaisamment, — je vois que vous savez tout. Après être sorti d’ici, je songeais à part moi dans la voiture : « Il aurait fallu au moins raconter une anecdote, on ne s’en va pas ainsi ! » Mais je me suis souvenu que Pierre Stépanovitch était resté chez vous, et cela m’a r