Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/213

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emps, Nicolas ? demanda-t- elle en s’approchant de son fils ; — le train arrive à dix heures.

— J’ai d’abord mené Pierre Stépanovitch chez Kiriloff ; je l’avais rencontré à la station de Matvéiévo (la troisième avant d’arriver ici), et nous avions fait ensemble le reste du voyage.

— J’attendais à Matvéiévo depuis l’aube, dit Pierre Stépanovitch, — les dernières voitures de notre train ont déraillé pendant la nuit, et nous avons failli avoir les jambes cassées !

— Que le Seigneur ait pitié de nous ! fit en se signant Prascovie Ivanovna.

— Maman, maman, chère maman, ne vous effrayez pas si par hasard je me casse en effet les deux jambes ; cela peut fort bien m’arriver, vous dites vous-même que j’ai tort de lancer mon cheval au grand galop comme je le fais chaque matin. Maurice Nikolaïévitch, vous me conduirez, quand je serai boiteuse ? ajouta la jeune fille en se mettant de nouveau à rire. — Si cela arrive, je ne me laisserai conduire par aucun autre que vous, comptez-y hardiment. Eh bien, mettons que je ne me casse qu’une jambe… Allons, soyez donc aimable, dites que ce sera un bonheur pour vous.

— Pourquoi voulez-vous que je sois heureux si vous vous cassez une jambe ? demanda sérieusement Maurice Nikolaïévitch dont la mine se renfrogna.

— Parce que seul vous aurez le privilège de me conduire, je ne veux personne d’autre !

— Même alors, c’est vous qui me conduirez, Élisabeth Nikolaïevna, grommela Maurice Nikolaïévitch devenu encore plus sérieux.

— Mon Dieu, mais il a voulu faire un calembour ! s’écria Lisa avec une sorte de frayeur. — Maurice Nikolaïévitch, ne vous avisez jamais de vous lancer dans cette voie ! Mais que vou