Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

t-il en sourdine, tandis qu’il se tournait du côté de la porte et faisait un signe de tête dans cette direction.

— Elle n’écoute jamais à la porte, observa froidement Nicolas Vsévolodovitch.

— C’est pour le cas où elle écouterait ! reprit Pierre Stépanovitch en élevant gaiement la voix, et il s’assit sur un fauteuil. — Je ne blâme pas cela, seulement je suis venu pour causer avec vous en tête à tête… Allons, enfin j’ai pu arriver jusqu’à vous ! Avant tout, comment va votre santé ? Je vois que vous allez bien, et que demain peut-être vous sortirez, hein ?

— Peut-être.

— Faites enfin cesser ma corvée ! s’écria-t-il avec une gesticulation bouffonne. — Si vous saviez ce que j’ai dû leur débiter de sottises ! Mais, du reste, vous le savez.

Il se mit à rire.

— Je ne sais pas tout. Ma mère m’a seulement dit que vous vous étiez beaucoup… remué.

— C’est-à-dire que je n’ai rien précisé, se hâta de répondre Pierre Stépanovitch, comme s’il eût eu à se défendre contre une terrible accusation, — vous savez, j’ai mis en avant la femme de Chatoff, ou, du moins, les bruits concernant vos relations avec elle à Paris, cela expliquait sans doute l’incident de dimanche… Vous n’êtes pas fâché ?

— Je suis sûr que vous avez fait tous vos efforts.

— Allons, voilà ce que je craignais. Qu’est-ce que cela signifie : « vous avez fait tous vos efforts » ? C’est un reproche. Du reste, vous y allez carrément. Ma grande crainte en venant ici était que vous ne pussiez vous résoudre à poser franchement la question.

— Je ne mérite pas l’éloge que vous m’adressez, dit Nicolas Vsévolodovitch avec une certaine irritation, mais aussitôt après il sourit.

— Je ne parle pas de cela, je ne parle pas de cela, comprenez-moi bien, il n’en est pas question, reprit en agitant les bras Pierre Stépanovitch qui s’amusait du mécontentement