Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/301

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sont des contes et que vos menaces de dénonciation ne visaient que moi, parce que, me croyant compromis aussi, vous comptiez de la sorte m’extorquer plus d’argent… Vous comprenez ?

— Nicolas Vsévolodovitch, mon cher, se peut-il donc que je sois exposé à un pareil danger ? Il me tardait de vous voir pour vous questionner.

Le visiteur sourit.

— À coup sûr on ne vous laissera pas aller à Pétersbourg, quand même je vous donnerais de l’argent pour faire ce voyage… Mais il est temps que je voie Marie Timoféievna.

Il se leva.

— Nicolas Vsévolodovitch, — et quelles sont vos intentions par rapport à Marie Timoféievna ?

— Je vous les ai dites.

— Est-il possible que ce soit vrai ?

— Vous ne le croyez pas encore ?

— Ainsi vous allez me planter là comme une vieille botte hors d’usage ?

— Je verrai, répondit en riant Nicolas Vsévolodovitch, — allons, introduisez-moi.

— Voulez-vous que j’aille sur le perron ?… ici je pourrais, sans le faire exprès, entendre votre conversation… parce que les chambres sont toutes petites.

— Soit ; allez sur le perron. Prenez le parapluie.

— Le vôtre ? Suis-je digne de m’abriter dessous ?

— Tout le monde est digne d’un parapluie.

— Vous déterminez du coup le minimum des droits de l’homme.

Mais le capitaine prononça ces mots machinalement : il était écrasé, anéanti par les nouvelles qu’il venait d’apprendre. Et pourtant, à peine arrivé sur le perron, cet homme aussi roué qu’inconsistant se reprit à espérer, l’idée lui revint que Nicolas Vsévolodovitch cherchait à lui donner le change par des mensonges ; s’il en était ainsi, ce n’était pas à lui d’avoir peur, puisqu’on le craignait.