Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 2.djvu/45

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se ! À quoi bon ?

— Mais puisque cela vous est égal ? Vous ne cessez de dire que tout vous est indifférent.

— Non, je veux savoir pourquoi.

— Eh bien, voici : le membre de la société qui remplit la fonction de réviseur s’est arrêté à Moscou, et j’ai fait espérer sa visite à quelques uns des nôtres ; ils penseront que vous êtes ce réviseur ; or, comme vous vous trouvez ici déjà depuis trois semaines, l’effet sera encore plus grand.

— C’est de la farce. Vous n’avez aucun réviseur à Moscou.

— Allons, soit, nous n’en avons pas, mais qu’est-ce que cela vous fait, et comment ce détail peut-il vous arrêter ? Vous-même êtes membre de la société.

— Dites-leur que je suis le réviseur ; je m’assiérai et je me tiendrai coi, mais je ne veux ni papier ni crayon.

— Mais pourquoi ?

— Je ne veux pas.

Pierre Stépanovitch blêmit de colère ; néanmoins cette fois encore il se rendit maître de lui, se leva et prit son chapeau.

— L’_homme _est chez vous ? demanda-t-il soudain à demi-voix.

— Oui.

— C’est bien. Je ne tarderai pas à vous débarrasser de lui, soyez tranquille.

— Il ne me gêne pas. Je ne l’ai que la nuit. La vieille est à l’hôpital, sa belle-fille est morte ; depuis deux jours je suis seul. Je lui ai montré l’endroit de la cloison où il y a une planche facile à déplacer ; il s’introduit par là, personne ne le voit.

— Je le retirerai bientôt de chez vous.

— Il dit qu’il ne manque pas d’endroits où il peut aller coucher.

— Il ment, on le cherche, et ici, pour le moment, il est en sûreté. Est-ce que vous causez avec lui ?

— Oui, tout le temps. Il dit beaucoup de mal de vous. La nuit dernière, je lui ai lu l’Apocalypse et lui ai fait bo