Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 2.djvu/50

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sement Pierre Stépanovitch quand il fut hors de la maison ; « tu seras aussi très bien ce soir, j’ai justement besoin que tu sois comme cela, et je ne pourrais rien désirer de mieux ! Le dieu russe lui-même me vient en aide ! »

VII

Il fit beaucoup de courses durant cette journée et sans doute ne perdit pas ses peines, car sa figure était rayonnante quand le soir, à six heures précises, il se présenta chez Nicolas Vsévolodovitch. On ne l’introduisit pas tout de suite : Stavroguine se trouvait dans son cabinet en tête-à-tête avec Maurice Nikolaïévitch qui venait d’arriver. Cette nouvelle intrigua Pierre Stépanovitch. Il s’assit tout près de la porte du cabinet pour attendre le départ du visiteur. De l’antichambre on entendait le bruit de la conversation, mais sans pouvoir rien saisir des paroles prononcées. La visite ne dura pas longtemps ; bientôt retentit une voix extraordinairement forte et vibrante, immédiatement après la porte s’ouvrit, et Maurice Nikolaïévitch sortit avec un visage livide. Il ne remarqua pas Pierre Stépanovitch et passa rapidement à côté de lui. Le jeune homme s’élança aussitôt dans la chambre.

Je me crois obligé de raconter en détail l’entrevue fort courte des deux « rivaux », — entrevue que tout semblait devoir rendre impossible, et qui eut lieu néanmoins.

Après son dîner, Nicolas Vsévolodovitch sommeillait sur une couchette dans son cabinet, lorsque Alexis Égorovitch lui annonça l’arrivée de Maurice Nikolaïévitch. À ce nom, Stavroguine tressaillit, il croyait avoir mal entendu. Mais bientôt se montra sur ses lèvres un sourire de triomphe hautain en même temps que de vague surprise. En entrant, Maurice Nikolaïévitch fut sans doute frappé de ce sourire