Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/190

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santerie. Je serre les dents peut-être… Messieurs ! plusieurs mystères m’inquiètent : expliquez-les-moi ! Vous voulez transformer l’homme, selon les exigences de la science et du bon sens. Mais comment savez-vous qu’on puisse transformer l’homme, et qu’on le doive ? Comment savez-vous que cette transformation soit utile à l’homme ? C’est une supposition gratuite. C’est logique, mais ce n’est pas humain. ― Vous pensez que je suis fou ?…

L’homme aime à construire, c’est certain : mais pourquoi aime-t-il aussi à détruire ? Ne serait-ce pas qu’il a une horreur instinctive d’atteindre le but, d’achever ses constructions ? Peut-être n’arrive-t-il à construire que de loin, en projet ; peut-être aussi se plaît-il à faire des maisons pour ne pas les habiter, les abandonnant ensuite aux fourmis et aux bêtes familières. Les fourmis ont d’autres goûts que les hommes. Elles bâtissent pour l’éternité leurs fourmilières, c’est le but de toute leur existence et leur unique idéal, ce qui fait grand honneur à leur constance comme à leur esprit positif. L’homme, au contraire, esprit léger, est un perpétuel joueur d’échecs : il aime les moyens