Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/199

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tout, voit tout, et voit souvent avec une clarté incomparablement plus vive que celle des esprits les plus positifs… Ne faire de compromis avec rien ni personne, ni rien dédaigner ; ne jamais perdre de vue l’utile et le pratique (comme, par exemple, le logement aux frais de l’État, la pension et la décoration) ; ne voir que ce but à travers tous les enthousiasmes et tous les lyrismes, tout en conservant par devers soi intact ― comme soi-même ! ― l’idéal du beau et du grand, précieux bijou de joaillier : voilà les lois de notre romantisme… C’est un grand coquin, je vous assure, le premier des coquins, vous pouvez m’en croire. Mais c’est un coquin honnête homme : puisqu’il passe pour tel ! ― Eh bien, je n’ai jamais pu me hausser jusqu’à cet idéal de la pure, vertueuse et honnête coquinerie. Je n’ai jamais pu réussir à me faire loger par l’État, je n’ai jamais pu sauvegarder en moi l’idéal du beau et du grand, je dis de ce beau et de ce grand acceptés et patentés, qui ont cours et ne sont jamais protestés. C’est un grand bonheur que je ne me sois pas jeté dans la littérature. Quelle piètre figure j’y eusse faite ! Pourtant on aurait pu me décréter d’utilité publique, car