Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

L’horloge sonna huit heures, enfin neuf heures. On sortit de table ; tous les quatre s’assirent sur le divan. Zvierkov commanda les bouteilles de champagne prévues, mais il ne m’invita pas.

Je souriais avec mépris et je marchai de long en large de l’autre côté de la chambre, tâchant d’attirer l’attention, mais vainement, et cela dura jusqu’à onze heures : jusqu’à onze heures je me promenai de la table au poêle et du poêle à la table !…

« Je marche, et personne n’a le droit de m’en empêcher. »

Pendant ces deux heures la tête me tourna plus d’une fois ; il me semblait que j’avais le délire. Et cette pensée me torturait que je ne cesserais plus désormais, dussé-je vivre encore dix, vingt, quarante ans, de revivre cette heure affreuse, ridicule et dégoûtante, la plus dégoûtante et la plus affreuse de toute ma vie.

Onze heures.

― Messieurs, cria Zvierkov en se levant, allons, -bas ! (Et il expliqua sa pensée par un geste obscène…)

― Oui, oui, dirent tous les autres.