Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

découvris, sans réflexion, oubliant tout le reste, définitivement décidé à donner le soufflet. Et je sentais avec terreur que cela devait arriver absolument et tout de suite, qu’aucune force ne pourrait plus me retenir.

Des réverbères isolés couraient derrière moi ― le traîneau allait vite ! ― dans le brouillard de la neige, mornes comme des torches d’enterrement. La neige glissait sous mon manteau, sous ma redingote, sous ma cravate, et y achevait de fondre. Je n’y prenais pas garde. Tout m’était indifférent.

Enfin nous arrivâmes. Je sortis du traîneau comme un fou et montai en courant. Je frappai à la porte des pieds et des poings. On ouvrit trop vite, comme si l’on m’eût attendu. En effet, Simonov avait prévenu qu’il en viendrait encore un : car, dans ces sortes de maisons secrètes, il est bon de prévenir…

C’était un de ces magasins de mode, si fréquents alors, et qui ont été depuis fermés par la police. Tout le jour c’était en effet un magasin de mode ; mais le soir ceux qui avaient « une recommandation » pouvaient y venir passer un moment.

Je traversai rapidement la boutique (qu’on