Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/257

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pour toi le bonheur si tu mourais demain quelque part, dans une cave, dans un coin, comme la phthisique. À l’hôpital, dis-tu ? Oui, on t’y mènera. Mais… et ta dette à la patronne. Une phthisie n’est pas une maladie comme une fièvre chaude, qui laisse jusqu’au dernier moment à la malade l’espoir de la guérison. Elle se leurre elle-même, se croit en bonne santé, et cela fait les affaires de la patronne. Mais toi, tu mourras lentement, tu te verras mourir, et tous t’abandonneront : qu’auras-tu à dire ? Tu as vendu ton âme, c’est vrai, mais tu dois de l’argent ! Et l’on te laissera toute seule, car que faire de toi ? On te reprochera même de tenir de la place pour rien et de traîner ta mort. Tu auras soif ? on te donnera de l’eau, ― et des injures avec : « Quand donc crèveras-tu, salope ? Tu nous empêches de dormir avec tes gémissements, et tu dégoûtes les clients !… » ― J’ai moi-même entendu ces paroles. ― Enfin, toute mourante, on te jettera dans un coin puant de la cave, dans l’obscurité, dans l’humidité… Que penseras-tu, toute seule, durant les nuits interminables ? Et tu mourras. Une main mercenaire t’ensevelira, impatiemment ; au lieu de