Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/124

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un coup d’œil ; je vois que ce sont des folies, des choses écrites uniquement pour faire rire, pour égayer les gens. Eh bien, me dis-je, ce doit être amusant, en effet ; cela plaira peut-être à Varinka ; je l’ai pris et je vous l’ai envoyé. Mais voici que Ratazaïeff m’a promis de me donner à lire quelque chose de vraiment littéraire ; eh bien, vous ne manquerez pas de livres, matotchka. Ratazaïeff s’y connaît, — c’est un habile homme ; lui-même écrit, oh ! comme il écrit ! Il a une plume si alerte et tant de style ; c’est-à-dire que dans chaque mot, dans la parole la plus insignifiante, la plus banale, la plus vulgaire, tenez, dans une phrase comme j’en pourrais dire parfois à Faldoni ou à Thérèse, eh bien, lui, il met du style ! Je vais à ses soirées. Nous fumons du tabac, et il nous fait des lectures ; il lit pendant cinq heures, et nous écoutons tout le temps. Ce n’est pas de la littérature, mais un régal ! C’est un charme, ce sont des fleurs, positivement des fleurs ; chaque page est un bouquet ! Il est si affable, si bon, si gracieux. ! Allons, que suis-je, moi, vis-à-vis de lui ? Quoi ? Rien. C’est un homme connu, et moi, qu’est-ce que je suis ? Je n’existe pas, absolument pas : pourtant il se