Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/195

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perdre notre piste, et que, s’ils le veulent, ils sauront bien nous découvrir partout. Oui, mais n’importe, à présent je ne me trouve plus bien dans ce logement. Si ce n’était pas si triste, je vous écrirais quelque chose. Quel caractère étrange vous avez, Makar Alexéiévitch ! Vous prenez tout trop à cœur ; aussi serez-vous toujours un homme très-malheureux. Je lis attentivement toutes vos lettres, et je vois que dans chacune d’elles vous vous tourmentez à mon sujet et vous préoccupez de moi comme jamais vous ne vous êtes préoccupé de vous-même. Sans doute il n’y aura qu’une voix pour dire que vous avez bon cœur ; mais moi je dis que vous avez trop bon cœur. Je vous donne un conseil d’ami, Makar Alexéiévitch. Je vous suis reconnaissante, très-reconnaissante de tout ce que vous avez fait pour moi ; je sens très-bien tout cela ; ainsi, jugez de ce que j’éprouve en voyant que maintenant encore, — après tous les malheurs dont j’ai été pour vous la cause involontaire, — maintenant encore vous ne vivez que de ma vie : de mes joies, de mes chagrins, de mon cœur ! S’intéresser si vivement à autrui, prendre un tel souci des choses qui vous sont étrangères, c’est, en vérité, le moyen de se rendre