Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/224

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sur le ciel. Beaucoup de monde circulait sur le quai, et, comme par un fait exprès, ces gens avaient tous des figures si terribles, si attristantes ; des moujiks ivres, des Finnoises camardes, chaussées de bottes et nu-tête, des ouvriers, des cochers, des employés ayant affaire quelque part, des gamins, un apprenti serrurier, maigre, chétif, au visage enfumé, qui était vêtu d’une robe de chambre à raies et avait à la main une serrure, un soldat retraité, homme de six pieds, qui attendait le passage d’un marchand pour lui vendre un canif ou un petit anneau de bronze : — voilà quel était le public. À pareille heure, évidemment, il ne pouvait pas y en avoir un autre. C’est un canal navigable que la Fontanka ! Les bateaux sont si nombreux qu’on ne comprend pas où tout cela peut trouver place. Sur les ponts se tiennent des femmes qui vendent des pains d’épice avariés et des pommes pourries, ces femmes sont si mouillées, si sales ! Il est ennuyeux de se promener le long de la Fontanka ! On a sous ses pieds le granit humide, à ses côtés de hautes maisons noires et enfumées ; au-dessous de soi le brouillard, au-dessus encore le brouillard. Aujourd’hui la soirée était si maussade, si sombre !