Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/242

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Voici ce qui est arrivé ! — Je vais vous raconter cela sans style, comme le Seigneur m’inspirera. Je me suis rendu aujourd’hui au bureau. Je m’assieds, je me mets à écrire. Mais il faut vous dire, matotchka, que hier j’avais écrit aussi. Eh bien, ainsi voilà, hier Timoféi Ivanovitch vient me trouver et daigne lui-même me donner un ordre : « Makar Alexéiévitch, dit-il, voici un papier urgent, pressé ; copiez-le proprement, avec soin, et vite ; il vient aujourd’hui à la signature. » — Je dois vous faire observer, mon petit ange, que hier je n’étais pas dans mon assiette, je n’avais l’esprit à rien ; j’étais si mélancolique, si chagrin ! Il y avait un froid dans mon cœur, des ténèbres dans mon âme ; vous étiez toujours présente à ma pensée, ma pauvre petite belette. Eh bien, voilà, je me mis à la besogne, je copiai proprement, convenablement, mais je ne sais comment vous expliquer la chose, est-ce le mauvais esprit lui-même qui m’a dévoyé, est ce qu’une fatalité mystérieuse l’avait décidé ainsi, ou bien est-ce tout bonnement que cela devait arriver ? — toujours est-il que je sautai toute une ligne ; le sens qui résulta de cette omission, le Seigneur le sait, ou, pour mieux dire, la phrase n’eut plus