Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/243

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de sens. Hier le papier subit un retard, et il ne fut présenté qu’aujourd’hui à la signature de Son Excellence. Moi, comme si de rien n’était, j’arrive aujourd’hui au bureau à l’heure accoutumée et je prends place à côté d’Emilian Ivanovitch. Je dois vous faire remarquer, ma chère, que depuis peu je suis devenu deux fois plus timide, deux fois plus facile à déconcerter qu’auparavant. Ces derniers temps, je n’osais même plus regarder personne. Au moindre bruit que quelqu’un faisait avec sa chaise, j’avais la chair de poule. Aujourd’hui, modestement assis à ma place, le visage courbé sur mes papiers, j’avais l’air d’un hérisson, si bien qu’Éfim Akimovitch (le plus grand moqueur qui ait jamais existé) dit de façon à être entendu de tout le monde : « Pourquoi vous tenez-vous comme cela, Makar Alexéiévitch ? » Là-dessus, il fit une grimace telle que parmi tous ceux qui nous entouraient ce fut une explosion d’hilarité, — à mes dépens, cela va sans dire. Et les plaisanteries d’aller leur train ! Je me bouchai les oreilles, je fermai les yeux, et je restai sans bouger. C’est mon habitude ; comme cela, ils me laissent plus vite tranquille. Tout à coup j’entends du bruit : on court, on s’agite ; j’entends...