Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/90

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si passionnée. Tout d’abord cela ne lui parut peut-être que curieux ; plus tard son hésitation cessa ; il accepta mon attachement, mes paroles cordiales, mon intérêt, aussi franchement, aussi naïvement que je les lui offrais, et il y répondit par l’affection d’un ami sincère, d’un véritable frère. Je me sentais le cœur si réchauffé, si content !… Je ne dissimulais pas, je ne faisais mystère de rien ; il voyait tout cela, et de jour en jour s’attachait davantage à moi.

Et vraiment je ne me rappelle pas de quoi nous n’avons pas causé ensemble dans ces heures à la fois cruelles et douces de nos entrevues, la nuit, à la clarté tremblante de la lampe allumée devant l’icône, et en quelque sorte au chevet de ma pauvre mère malade… Nous disions tout ce qui nous venait à l’esprit, tout ce qui jaillissait de notre cœur, tout ce qui aspirait à s’échapper de nos lèvres, — et nous étions presque heureux… Oh ! c’était un temps triste et joyeux tout ensemble ; maintenant encore, je m’en souviens avec un mélange de joie et de tristesse. Les souvenirs, qu’ils soient agréables ou pénibles, font toujours souffrir ; telle est du moins l’impression que j’éprouve. Mais il y a aussi de la douceur dans cette souf-