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les apprentis de l’armurier

Il avait toujours pour lui un sourire, une bonne parole ; lui parlait de son pays, écoutait les récits du pauvre mutilé qui évoquaient à ses yeux une sorte de vision lointaine effacée à demi.

Car, avec lui, Kadour retrouvait un langage, une mimique ardente si claire, si précise, que son auditeur en eût pu traduire les moindres détails.

Il disait le grand désert brûlé par le soleil, avec ses vagues de sable, son simoun emportant dans un tourbillon de feu tentes, richesses et troupeaux, tous les biens de l’Arabe, engloutissant parfois une caravane dont vainement on cherchait la trace…

Il disait les cavaliers superbes aux burnous flottants, aux coursiers rapides comme l’éclair…

Il disait les mosquées toutes blanches et le minaret d’où le muezzin appelle les fils de Mahomet à la prière…

Et l’oasis verdoyante, le puits autour duquel on se rassemble, à l’ombre d’un palmier.

Puis il décrivait une ville immense aux clochers dorés, aussi nombreux que les étoiles et surmontés d’une double croix.

— C’est Constantinople, disait Gaultier.

Et Kadour contait l’arrivée des Croisés aux pesantes armures, aux lourds chevaux du Nord ; la prise de la ville, le pillage, le massacre…

Pensif, le jeune écuyer croyait revivre ces scènes terribles.

Avait-il donc rêvé tout cela ?

— Ah ça ! qu’est-ce que tu fais encore avec ce moricaud ? interrompait la voix impatiente de Guy ; vous avez toujours l’air de comploter ensemble.

Kadour, redevenu impassible, s’inclinait gravement et retournait à sa loge, car il occupait les importantes fonctions