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les apprentis de l’armurier

Elle était habile dentellière ; aussi, grâce à ce genre de travail, presque inconnu dans le midi et qui lui avait valu de nombreuses pratiques, elle avait pu élever ses deux petits-fils ! actuellement apprentis armuriers chez son voisin, maître Lansac, et qui allaient bientôt demeurer orphelins.

— Il ne faut pas pleurer, mes chers petits, dit la malade de sa voix chevrotante et cassée, en souriant aux jouvenceaux, dont l’un sanglotait bruyamment, tandis que l’autre, les traits contractés, les lèvres serrées, refoulait ses larmes par un grand effort de volonté. — Mon heure est sonnée depuis longtemps et Notre-Seigneur m’a fait crédit en me laissant durer jusqu’à ce que vous soyez des hommes. Maintenant vous n’avez plus besoin de moi, et moi j’ai grand besoin de repos.

Elle fut interrompue par un coup léger frappé à la porte, et un personnage aux traits mobiles et expressifs, encadrés d’une barbe noire, entra dans la pièce, tenant une petite fille par la main.

— Té ? cela ne va donc pas, dame Véronique ? s’écria-t-il avec une vivacité et un accent méridional des plus prononcés ; je viens de rencontrer le père Dominique.

— Oui, maître Lansac, me voilà prête pour le grand voyage, et je m’en irais bien volontiers sans le souci de ces pauvres orphelins.

— Bon ! vous n’êtes pas encore partie, ma voisine ; on ne déménage pas comme cela sans crier gare ! Votre rouet marchait trop bien hier pour ne pas recommencer bientôt. Douce compte sur le voile brodé que vous lui avez promis pour la prochaine fête de Maye. Ces fillettes ! c’est déjà coquet, et il n’y a que vous dans le pays pour faire ces jolis colifichets.

— Alors, il n’y aura bientôt plus personne, répliqua mé-