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les apprentis de l’armurier

n’entendait plus monter vers elle la voix fraîche et les éclats de rire de son petit René.

Elle était toujours seule….

Pourtant, jadis, lorsqu’elle était jeune épouse, jeune mère, doux beaux enfants se pressaient autour d’elle et seul l’aîné reposait dans la chapelle…

Mais le second, Guillaume, n’avait eu aucune part de la tendresse maternelle, concentrée tout entière sur son aîné.

Seul, Pierre était beau, intelligent et brave ; sa mère l’admirait sous le heaume et la cuirasse et n’avait que du mépris pour Guillaume, plus chétif, plus délicat, bon à faire un clerc tout simplement, disait-elle.

Au reste, c’était le rôle qui lui était destiné : il devait entrer dans les ordres et étudiait à cet effet la théologie.

Mais, sous son air timide et craintif, il cachait une âme ardente, un esprit chevaleresque ; aussi écoutait-il plus volontiers les récits de bataille que les discussions religieuses, et se passionnait-il davantage pour la vie des hommes illustres que pour la vie des saints.

Un jour, le comte Baudouin de Flandre, partant pour la Croisade, passa par le duché de son voisin de Bourgogne et s’arrêta au château de Dampierre, dont le défunt seigneur avait été son frère d’armes, afin de saluer sa veuve et de connaître ses enfants.

Pierre était absent ; ce fut Guillaume qui vint recevoir Baudouin au pied de l’escalier d’honneur, sur lequel se tenait la châtelaine, droite et majestueuse.

Il s’acquitta de ses fonctions avec une courtoisie, une bonne grâce et une timidité exempte de gaucherie, qui lui concilièrent la faveur du futur empereur, et de sa fille, laquelle le suivait en Terre sainte.