Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
147
les apprentis de l’armurier

— C’est qu’il y a un dieu pour les coquins ! dit tranquillement Guy.

Il avait tenté de regagner sa Provence ; mais, tombé aux mains d’une bande de routiers, il avait été ballotté de l’un à l’autre, jouet des hommes et des événements, et était venu échouer à Reims, trop heureux de gagner son pain comme tourne-broche.

C’est Hugonet qui fit ce récit lamentable, mais son ton pleurnichard toucha médiocrement le jeune comte qui n’avait pas oublié sa traîtrise.

Gaultier, plus généreux, consola le pauvre hère, lui faisant espérer un prompt retour dans son pays.

— En attendant, retourne prestement à tes fourneaux et ne laisse pas brûler le rôti, ordonna Guy, et surtout que je ne te surprenne plus écoutant aux portes.

Soudain, un grand bruit de fanfares et de trompettes éclata au dehors, attirant tous les habitants aux fenêtres.

C’étaient les gens de Flandre qui faisaient leur entrée, bannière en tête.

La comtesse Jeanne, montée sur une blanche haquenée, s’avançait, hautaine et superbe, sans daigner honorer d’un regard les humbles mortels qui se pressaient sur son passage.

Elle ne vit pas sa sœur qui, pâle et tremblante, s’était rejetée en arrière ; elle ne vit pas son neveu qui, penché au balcon, la dévisageait curieusement.

Elle ne vit pas non plus le vieux pèlerin qui s’était levé pour saluer l’étendard du Lion de Flandre, et qui maintenant, retombé sur son banc, cachait son visage dans ses mains…