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les apprentis de l’armurier

Il fallut tout le respect dû à sa robe pour empêcher l’hôtelier de lui rire irrévérencieusement au nez.

Comment un simple moine avait-il l’ébouriffante prétention de réclamer un gîte, quand tant de nobles barons devaient passer la nuit à la belle étoile.

— Vraiment, mon révérend, ce serait avec grand plaisir ; mais il faudrait pour cela un miracle digne de la multiplication des pains : la multiplication des chambres.

— Vous me permettrez bien au moins de me chauffer un instant, à côté de votre tourne-broche.

La supplique n’était pas exorbitante et l’hôte daigna y acquiescer majestueusement.

Le religieux alla s’asseoir près d’Hugonet, dont le visage était éclairé en plein par le brasier ardent, et, lui touchant l’épaule, prononça son nom à voix basse.

Le pauvre diable eut un violent sursaut, dont la broche ressentit un contre-coup, inquiétant pour le rôti, et il devint plus blanc que son tablier, en reconnaissant son persécuteur.

Celui-ci, un doigt sur les lèvres, lui recommandait le silence.

— Pas un mot, pas un geste, dit-il en présentant les mains à la flamme d’un air béat ; j’ai à te parler, va m’attendre derrière la maison.

— Mais…

— Obéis ou sinon !…

— J’y vais, bégaya Hugonet tremblotant.

Le faux moine, bénissant ses hôtes avec une onction parfaitement jouée, ne tarda pas à le rejoindre.

— Çà ! que fais-tu ici ? demanda-t-il d’un ton rude.

— J’y suis gâte-sauce pour vous servir…

— Merci ! Enfin tu es du logis et tu pourras facilement m’y introduire.