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les apprentis de l’armurier

— Qu’elle entre et qu’on nous laisse…

Le Flamand s’inclina, introduisit Marguerite, et les deux sœurs demeurèrent face à face.

Bien qu’ayant un certain air de famille, elle se ressemblaient fort peu.

Jeanne avait les traits énergiques mais sans charme, et son allure masculine manquait absolument de distinction.

La cadette au contraire avait un port de reine, une figure noble et douce, encadrée d’une chevelure brune, fort rare dans la blonde Flandre, et qui lui avait valu le surnom de Marguerite la noire.

Ni l’âge ni les malheurs n’avaient altéré sa beauté, et cette constatation, pénible à sa vanité et à son amour-propre de femme, n’était pas faite pour disposer la comtesse en faveur de sa sœur.

— Tu as donc voulu lutter contre moi, pauvre folle ! dit-elle avec une pitié méprisante.

— C’était de la folie, en effet, répondit tristement la mère de Guy ; car les armes ne sont pas égales, puisque vous ne reculez ni devant la déloyauté, ni devant le crime…

— Prends garde ! tu sais que j’ai le moyen de briser ton insolence et de te courber à mes pieds.

— Si je ne le savais, serais-je ici ?

Et deux larmes brûlantes jaillirent des paupières gonflées de la malheureuse mère à la pensée de son fils.

Jeanne eut un sourire cruel.

— Allons, je vois que tu te rends compte de ta position. La mort de ton fils, la tienne, dépendent d’un signe. Il ne tient qu’à moi de vous perdre tous deux.

— Prends ma vie, j’y consens sans peine, Jeanne ; je te la donne avec joie pour racheter celle de mon enfant.