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en wagon

Resté veuf, après une année de bonheur, le chagrin avait rendu le commandant encore plus sombre et, se consacrant désormais tout entier à son fils, il ne tarda pas à quitter le régiment et se retira en Bretagne, dans la vieille maison de famille décorée par les braves gens du pays du nom pompeux de château.

Là, ne recevant personne, taxé d’original par les châtelains du voisinage, il s’était dévoué corps et âme à l’éducation de son Henriot qu’il adorait, sans jamais toutefois le lui témoigner, et l’avait ainsi élevé selon ses principes d’un autre âge.

L’enfant avait grandi et était devenu un homme dans toute l’acception du mot, sans que le vieux gentilhomme changeât de manière d’être à son égard.

Entré dans la marine, officier d’avenir, il avait conservé pour son père le même respect filial, la même soumission tendre que lorsqu’il était petit garçon.

C’était à la fois le bonheur et l’orgueil du vieillard.

« À neuf heures, Henri, vous viendrez me prendre au café de Paris.

— Bien, mon père. »

Et au neuvième coup de l’heure fixée, la porte s’ouvrait et le jeune homme s’inclinait devant son père.

« Voilà comment on doit élever les enfants, » disait-il gravement en contemplant son œuvre.

Il comprenait Brutus et l’excusait volontiers :

C’est ainsi que l’on fait des hommes !

Son ami d’enfance, Duriol, ancien capitaine de frégate, le seul qui eut son franc parler avec ce père terrible, n’était pas toujours de son avis.

« Ne tends pas trop la corde, ou elle cassera.

— Un célibataire comme toi n’entend rien à l’esprit de