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petite ingrate !

de t’avoir permis de venir ! je savais bien qu’elle ne me laisserait pas mourir sans embrasser ma petite-fille.

« Où est-elle, que je la remercie ?

— Elle n’est pas avec moi, grand’mère ; je… je me suis sauvée… je ne veux plus te quitter…

— Pourquoi ça ? Est-ce que l’on te rend malheureuse ?

— Oh ! non ! Mme Durandel est très bonne pour moi, trop bonne même, et ça me peine de me voir si choyée, si gâtée, quand toi tu manques de tant de choses.

— Ce n’est pas la faute de ta maman, ma chérie, si j’ai refusé ce qu’elle m’a offert.

— Oui, mais pourquoi m’a-t-elle si entièrement séparée de toi ? pourquoi veut-elle que je t’oublie ? pourquoi défend-elle de prononcer ton nom ? On voulait me faire croire que tu étais ma nourrice, mais je savais bien que tu étais ma bonne-maman…

Câline, elle appuyait sa tête blonde sur l’épaule de la vieille Bretonne et lui disait sa vie depuis cinq ans :

On l’avait emmenée loin, bien loin, dans une ville si grande qu’elle n’en avait pas idée.

Elle avait une jolie chambre, de beaux habits, des joujoux merveilleux ; mais rien ne pouvait lui faire oublier son pays et sa grand’mère.

Mme Durandel, charmée de sa douceur et de sa docilité, ne se doutait pas de ce qui couvait dans cette petite âme d’enfant, et ce fut sans aucune appréhension qu’elle se décida à venir passer un mois dans son chalet, au bord de la mer, délaissé depuis cinq ans.

La petite avait dissimulé sa joie, n’avait eu l’air de rien reconnaître… puis, profitant d’un moment d inattention, elle s’était échappée de sa cage dorée pour s’envoler au vieux nid maternel…