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dans la sierra

par la Maladetta qui leur faisait peur à gronder après son petit-fils.

— Hou ! la vieille sorcière, j’ai des démangeaisons de lui tordre le cou quand je la vois rudoyer si fort cet innocent.

— Le fait est qu’il reçoit plus de coups de béquille que de caresses ; mais aussi c’est bien triste d’être seule, vieille, infirme, avec un pauvre garçon à demi privé de raison,

— Bonne Mercédès, tu es indulgente pour tous et, pourtant, Dieu sait la haine que te porte cette mégère.

— Parce que ma mère t’avait préféré à son vilain maugrabin de fils.

— Elle t’en veut surtout de ton heureuse influence sur Pedro…

— Oh ! père…

— Sans toi, le pauvre orphelin devenait un voleur comme tous les siens. Tu as été son bon ange et lui, qui n’écoute et ne comprend guère, obéit docilement à ta douce voix.

— Tu me rendrais vaniteuse, père.

— Non, mignonne ; si tu voulais t’en donner la peine, tu charmerais les ours de la montagne… »

Rougissant sous sa peau dorée, la jeune fille se leva pour cacher son embarras et revint un instant après, traînant à sa jupe une fillette à moitié endormie et portant un bambin qui se frottait les yeux.

« Dites bonjour à papa », fit-elle en les déposant sur les genoux de Diego.

C’était un gracieux tableau :

Le père, aux traits énergiques et caractérisés de cette forte race espagnole, caressait doucement les petits tout ensommeillés qui se serraient contre lui et jouaient avec sa barbe d’un noir de jais, tandis que la grande sœur, toute heureuse,