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les apprentis de l’armurier

— Bon ! dans les belles histoires que nous contait grand’mère, au temps des longues veillées, les rois épousaient des bergères. Je ne suis pas roi et Douce vaut mieux qu’une pastoure.

Au reste, le souci de sa haute dignité n’altérait pas la simplicité du brave garçon, et son frère souffrait de le voir s’abaisser aux fonctions domestiques qui étaient du domaine des apprentis : servir à table, laver, balayer…

… Ce soir là, le repas terminé, les grâces dites, les deux amis allaient se retirer pour passer leur dernière nuit sous le toit qui avait abrité leur enfance, quand de grands cris éclatèrent dans la rue.

— Victoire ! Victoire !

— C’est vrai ! c’est demain le 23 Avril, dit Gaultier.

La fête de Victoire, aussi célèbre dans le Midi que Gayant dans le Nord, rappelle la défaite des Cimbres et des Teutons par Marins.

On se rend processionnellement au village de Pourrière, à la montagne qui domine le champ de bataille où s’entrechoquèrent les deux armées.

Un chef ou roi est élu, pour commander la marche et veiller au bon ordre.

— Victoire ! Victoire ! Vive notre roi Guy !

C’était lui que l’on avait choisi pour fêter ainsi ses adieux, et une députation lui apportait le bâton et la couronne de feuillage, insignes de ses fonctions. Le brave garçon, touché de cette marque d’affection, ne savait comment remercier ses amis, tandis qu’Hugonet, jaune de dépit, était forcé de servir, sur l’ordre de son oncle, une bouteille de vieux Bergerac, pour boire à la royauté éphémère de l’apprenti.

Le lendemain, plus fier de sa couronne de feuillage que de la couronne fleuronnée d’or qui l’attendait dans quelque