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les apprentis de l’armurier

— Des chrétiens surpris par l’orage et qui réclament un abri, déclara poliment le jeune garçon.

L’aubergiste les toisa dédaigneusement, et, faisant une moue significative devant leur piètre équipage :

Il n’y a plus de place, répliqua-t-il d’un ton bourru ; cherchez ailleurs.

Et il fit mine de fermer le battant ; mais Guy, souple comme une anguille, glissa entre ses jambes, tirant son frère après lui.

— Bah ! nous ne sommes pas bien gros, dit-il gaiement, et nous ne demandons que la place du chien du tournebroche.

— Ce n’est pas la plus mauvaise, dit en riant un voyageur qui se chauffait à la haute cheminée, dans laquelle rôtissait un appétissant quartier de bœuf.

Mais l’hôte, outré de l’audace, se fâcha tout rouge :

— Voulez-vous déguerpir et plus vite que cela, vagabonds ! gronda-t-il. Ces nobles seigneurs ne supporteront pas la compagnie de polissons de votre espèce.

Les nobles seigneurs étaient quelques bouviers de la Camargue, buvant aux triomphes des arènes ; quelques soudards devisant de la guerre ; quelques paysans revenant du marché ; plus le voyageur qui avait déjà parlé et dont la robe fourrée semblait exciter au plus haut point l’admiration de l’hôtelier.

— Bah ! laissez donc entrer ces pauvres diables, mon hôte, dit ce dernier avec bonhomie.

— Ont-ils seulement de quoi payer leur écot ?

— Pour qui nous prenez-vous ? dit Guy avec une dignité comique.

Il fouilla dans son haut-de-chausse et retourna ses poches, mais vainement : le mistral avait passé par là et il avait bel et bien perdu sa bourse dans quelque chute.