Page:Doyle - Du mystérieux au tragique.djvu/9

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Tout ceci entre nous, Colmore. Mais vous me comprenez maintenant quand je dis que cela éveillerait les soupçons si l’on venait à entendre dans sa chambre une voix de femme.

— Et qui donc l’a changé à ce point ?

— La petite Béryl Clare, le jour où elle accepta le risque de devenir sa femme. Là se place le tournant de sa vie. Il avait poussé si loin les excès que dans son monde même on l’avait jeté par-dessus bord. Entre un homme qui boit et un ivrogne, il y a, vous le savez, un abîme. Tous ces gens-là boivent ; mais, tous n’en ferment pas moins leur porte aux ivrognes. Il était devenu, sans espoir, sans recours, l’esclave de son vice. Elle intervint à ce moment. Elle vit ce qu’il restait de ressources chez cet homme de qualité, même à ce degré de déchéance. Elle courut la chance de l’épouser, alors qu’elle pouvait choisir les maris à la douzaine. Elle le ramena pour ainsi dire à l’état d’homme et au sentiment de sa dignité. Vous avez remarqué qu’il n’entre pas une liqueur dans la maison. Ce fut ainsi depuis le jour où la jeune femme en franchit le seuil. Même aujourd’hui, une goutte de liqueur serait pour lui comme du sang pour un tigre.

— Elle le tient donc encore sous son influence ?

— C’est là le miracle. Quand elle mourut, voici trois ans, nous eûmes tous l’appréhension de le voir retourner à son vice. Elle le craignait elle-même, et cette crainte lui rendait la mort plus terrible, car elle était l’ange gardien de cet homme et ne vivait que pour une idée. À propos, avez-vous vu dans la chambre de sir John une boîte noire en laque ?

— Oui.

— Je présume qu’il y garde les