Envoyés par leurs journaux respectifs sur le théâtre des opérations d’une colonne anglaise contre les Derviches, les trois journalistes représentaient trois types différents d’allure et d’aspect… Le plus jeune, Anesley, était un débutant dans ce genre de reportage. Figure douce, mais énergique… Scott, dont la barbe noire cachait le teint bronzé déjà au cours d’expéditions semblables, avait des yeux perçants qui n’étaient comparables qu’à ceux de Mortimer dont la moustache en crocs le faisait ressembler à un officier français…
Les Trois Correspondants
uelle chaleur ! s’écria Mortimer en s’épongeant le front. Et dire qu’on paierait cinq shillings pour avoir une pareille température dans un hammam !
— Oui, répondit Scott, mais dans un hammam on ne parcourrait pas à cheval un trajet de vingt milles… Pour moi, je serais d’avis de nous arrêter dans ce bosquet de palmiers et d’y faire halte jusqu’à ce soir…
Les trois hommes arrêtèrent leurs montures et mirent pied à terre. Le premier, Mortimer, représentait le journal l’Intelligence sur le théâtre de l’expédition qu’il était chargé de suivre. Il était vêtu d’une vareuse khaki, portait des culottes de cheval en drap mastic et une ceinture écarlate : sa peau était rougie par le soleil du désert.
Le second, petit, mais vif et alerte, avec une barbe et des cheveux de jais, s’appelait Scott ; il avait traversé plus de périls et accompli plus d’exploits qu’aucun autre correspondant de guerre, sauf l’illustre Chandler dont la gloire n’avait jamais été surpassée, mais que l’âge contraignait à prendre un repos bien mérité.
Scott avait « fait » Plevna, les campagnes du Shipka, du Zoulouland, d’Égypte, de Souakim ; Mortimer avait vu la guerre boër, les campagnes du Chili, de Bulgarie, de Serbie, l’expédition de Gordon, celle de la frontière des Indes, la révolution du Brésil et la conquête de Madagascar. Les deux hommes étaient liés par une amitié