Page:Doyle - Jim Harrison, Boxeur, trad Savine, 1910.djvu/47

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Ils fourmillaient dans les dunes, car depuis que le commerce régulier était devenu impossible entre la France et l’Angleterre, tout le négoce était contrebande.

Une nuit, j’allai sur le pré de Saint-John et, m’étant caché dans l’herbe, je comptai, dans les ténèbres, au moins soixante-dix mulets, conduits chacun par un homme, tandis qu’ils défilaient devant moi, sans plus de bruit qu’une truite dans un ruisseau.

Pas un de ces animaux qui ne portât ses deux quartauts d’authentique cognac français, ou son ballot de soie de Lyon ou de dentelle de Valenciennes.

Je connaissais leur chef, Dan Scales.

Je connaissais aussi Tom Kislop, l’officier monté, et je me rappelle leur rencontre de nuit.

— Vous battez-vous, Dan, demanda Tom.

— Oui, Tom. Il va falloir se battre.

Sur quoi, Tom tira son pistolet et brûla la cervelle de Dan.

— C’est malheureux d’avoir agi ainsi, dit-il plus tard, mais je savais Dan trop fort pour moi, car nous nous étions déjà mesurés avant.

Ce fut Tom qui paya un poète de Brighton pour composer l’épitaphe en vers qu’on plaça sur la pierre tombale, épitaphe que nous trouvâmes tous fort vraie et fort bonne et qui commençait ainsi :

Hélas ! avec quelle vitesse vola le plomb fatal
Qui traversa la tête du jeune homme.
Il tomba aussitôt, il rendit l’âme.
Et la mort ferma ses yeux languissants !

Il y en avait d’autres et je crois pouvoir affirmer qu’on peut encore les lire dans le cimetière de Patcham.