Page:Doyle - Jim Harrison, Boxeur, trad Savine, 1910.djvu/57

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des yeux si pleins d’éclairs, des gestes si impérieux de sa main blanche qu’elle nous tint fascinés, immobiles sur nos chaises.

Sa voix, au début, était tendre, douce et persuasive, mais elle prit de l’ampleur, du volume, à mesure qu’elle parlait d’injustice, d’indépendance, de la joie qu’il y avait à mourir pour une bonne cause, si bien qu’enfin, j’eus tous les nerfs frémissants, que je me sentis tout prêt à sortir du cottage et à donner tout de suite ma vie pour mon pays.

Alors, un changement se produisit en elle.

C’était maintenant une pauvre femme qui avait perdu son fils unique et se lamentait sur cette perte.

Sa voix était pleine de larmes. Son langage était si simple, si vrai que nous nous imaginions tous les deux voir le pauvre petit gisant devant nous sur le tapis et que nous étions sur le point de joindre nos paroles de pitié et de souffrances aux siennes.

Et alors, avant même que nos joues fussent sèches, elle redevint ce qu’elle avait été.

— Eh bien ! s’écria-t-elle, que dites-vous de cela ? Voilà comment j’étais au temps où Sally Siddons verdissait de jalousie au seul nom de Polly Hinton. C’est dans une belle pièce, dans Pizarro.

— Et qui l’a écrite ?

— Qui l’a écrite ? Je ne l’ai jamais su. Qu’importe qu’elle ait été écrite par celui-ci ou celui-là ? Mais il y a là quelques tirades pour celui qui connaît la façon de les débiter.

— Et vous ne jouez plus, madame ?

— Non, Jim, j’ai quitté les planches, quand… quand j’en ai eu assez. Mais mon cœur y revient quelquefois. Il me semble qu’il n’y a pas d’odeur comparable à celle