Page:Doyle - Jim Harrison, Boxeur, trad Savine, 1910.djvu/66

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elle est passée du rouge à la pâleur ! Vous pouvez bien voir par vous-même que ce n’est rien.

Tout en parlant, il sortit vivement, sautant sur une jambe et s’aidant d’une canne, il parcourut l’allée, passa sous la devise qui ornait les lauriers et de là franchit le seuil de sa demeure pour la première fois depuis cinq ans.

Lorsque le postillon et moi nous eûmes transporté à l’intérieur le coffre de marin et les deux sacs de voyage en toile, je le retrouvai assis dans son fauteuil près de la fenêtre, vêtu de son vieil habit bleu, déteint par les intempéries.

Ma mère pleurait en regardant sa pauvre jambe et il lui caressait la chevelure de sa main brunie. Il passa l’autre main autour de ma taille et m’attira près de son siège.

— Maintenant que nous avons la paix, je peux me reposer et me refaire jusqu’à ce que le roi Georges ait de nouveau besoin de moi, dit-il.

Il y avait une caronade qui roulait à la dérive sur le pont alors qu’il soufflait une brise de drisse par une grosse mer. Avant qu’on eût pu l’amarrer, elle m’avait serré contre le mât.

— Ah ! ah ! dit-il en jetant un regard circulaire sur les murs, voilà toutes mes vieilles curiosités, les mêmes qu’autrefois, la corne de narval de l’océan Arctique, et le poisson-soufflet des Moluques, et les avirons des Fidgi, et la gravure du Ça ira poursuivi par Lord Hotham. Et vous voilà aussi, Mary et vous Roddy, et bonne chance à la caronade à qui je dois d’être revenu dans un port aussi confortable, sans avoir à craindre un ordre d’embarquement.

Ma mère mit à portée de sa main sa longue pipe et son tabac, de telle sorte qu’il pût l’allumer facilement,