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jim harrison, boxeur

— J’étais descendu chez l’infortuné Lord Avon. C’était à l’époque où il fut accusé d’avoir égorgé son frère cadet et où il s’enfuit du pays.

Nous gardâmes tous le silence.

Mon oncle resta le menton appuyé sur sa main, regardant le feu, d’un air pensif.

Je n’ai aujourd’hui encore qu’à fermer les yeux pour le revoir, sa fière et belle figure illuminée par la flamme, pour revoir aussi mon bon père, bien fâché d’avoir réveillé un souvenir aussi terrible et lui lançant de petits coups d’œil entre les bouffées de sa pipe.

— Je crois pouvoir dire, reprit enfin mon oncle, qu’il vous est certainement arrivé de perdre, par une bataille, par un naufrage, un camarade bien cher et de rester longtemps sans penser à lui, sous l’influence journalière de la vie, et puis de voir son souvenir se réveiller soudain, par un mot, par un détail qui vous reporte au passé, et alors vous trouvez votre chagrin tout aussi cuisant qu’au premier jour de votre perte.

Mon père approuva d’un signe de tête.

— Il en est pour moi ainsi ce soir. Jamais je ne me suis lié d’amitié entière avec aucun homme, — je ne parle pas des femmes, — si ce n’est cette fois-là. Lord Avon et moi, nous étions à peu près du même âge. Il était peut-être mon aîné de quelques années, mais nos goûts, nos idées, nos caractères étaient analogues, si ce n’est qu’il avait un certain air de fierté que je n’ai jamais trouvé chez aucun autre. En laissant de côté les petites faiblesses d’un jeune homme riche et à la mode, les indiscrétions d’une jeunesse dorée, j’aurais pu jurer qu’il était aussi honnête qu’aucun des hommes que j’aie jamais connus.

— Alors comment est-il arrivé à commettre un tel crime ! demanda mon père.