Page:Doyle - La Grande Ombre.djvu/115

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mienne, comme je la prenais. Elle était gangrenée par le froid depuis trois jours.

Je restais à écouter bouche béante.

— Et les vieux grenadiers, eux aussi, comme ils n’avaient plus leur ardeur d’autrefois, ils avaient peine à résister. Et pourtant, s’ils restaient en arrière, les paysans les prenaient, les clouaient à la porte de leurs granges, les pieds en haut, et allumaient du feu sous leur tête. C’était pitié de voir ainsi périr ces braves vieux soldats. Aussi quand ils ne pouvaient plus avancer, c’était intéressant de voir comment ils s’y prenaient : ils s’arrêtaient, faisaient leur prière, assis sur une vieille selle, ou sur leur havresac, ôtaient leurs bottes et leurs bas et appuyaient leur menton sur le bout de leur fusil. Puis ils mettaient leur gros orteil sur la détente, et pouf ! c’était fini : plus de marches pour ces beaux vieux grenadiers. Oh ! l’on a eu une rude besogne par là-bas sur ces montagnes de Guadarama.

— Et quelle armée, était-ce ? demandai-je.

— Oh ! j’ai été dans tant d’armées que je m’y embrouille quelquefois. Oui, j’ai beau-