Page:Doyle - La Main brune.djvu/57

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état, elle pouvait succomber à la première émotion. Il répugnait à l’idée de hâter l’issue fatale, et pourtant sa propre existence lui devenait intolérable. Ne pouvait-il en finir, sans préjudice pour elle ? Vous savez à quoi il s’arrêta.

Il lui écrivit la lettre qu’elle reçut. Il n’y disait rien que de très sincère. Quand il parlait de la revoir très vite, il croyait qu’elle ne devait pas tarder à le rejoindre et lui accordait au plus un délai de quelques mois. Sa conviction à cet égard était telle qu’il ne me laissa que deux lettres à lui envoyer quand il serait mort ; et comme elle vécut encore cinq ans, je me trouvai à court de lettres. Il m’en laissait une troisième à votre adresse pour le jour où vous perdriez votre mère. Je les fis toutes expédier de Paris, afin qu’on supposât qu’il résidait à l’étranger. Il m’avait demandé de ne rien dire : je n’ai rien dit. Je me suis conduit en fidèle serviteur. Sans doute pensait-il que sept ans après sa mort il aurait un peu regagné, dans l’estime de ses amis survivants. Car toujours il se préoccupait des autres. »

Il y eut un silence, que rompit le jeune Stanniford.

« Je n’ai pas de reproches à vous faire, Perceval. Vous avez épargné à ma mère un coup dont elle serait morte. Qu’est-ce que ce papier ?

— C’est le dernier écrit de votre père, monsieur. Vous le lirai-je ?

— Faites.

« J’ai pris le poison. Je le sens déjà dans mes veines. Sensation étrange, mais pas douloureuse. Quand on lira ces lignes, je serai, si l’on respecte mon désir, mort depuis plusieurs années. Aucun de ceux qui auront perdu de l’argent par ma faute ne m’en gardera plus de rancune. Et vous, Félix, vous me pardonnerez ce scandale. Puisse Dieu accorder le repos à une âme lasse ! »

D’une seule voix, nous ajoutâmes :

« Ainsi soit-il ! »