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LA NOUVELLE CHRONIQUE

geaude, en bonnet paysan. Elle tricotait, penchée sur son ouvrage, et s’arrêtait de temps à autre pour caresser un gros chat noir posé sur un tabouret.

— C’est Marthe, la seule domestique que j’aie gardée. Le secrétaire se mit à rire.

— Elle pourrait presque, dit-il, personnifier la Grande-Bretagne, avec son air de complète absorption en elle-même et de béate somnolence. Allons, au revoir, von Bork !

Il agita la main en signe d’adieu, sauta dans l’auto, et, la minute d’après, les deux grands cônes dorés des phares bousculaient devant eux les ténèbres. Renversé sur les coussins de la luxueuse limousine, n’ayant de pensée que pour le drame qui menaçait l’Europe, il ne prit pas garde qu’en tournant la rue du village son auto manqua de prendre en écharpe une petite Ford qui arrivait en sens opposé.

Quand se fut évanoui au loin le dernier rayon des phares, von Bork regagna lentement son cabinet de travail. En passant, il remarqua que sa vieille gouvernante avait soufflé la lampe et quitté la place. C’était pour lui une sensation nouvelle que le silence et l’obscurité de cette demeure, car il avait une famille nombreuse, qui exigeait un nombreux personnel. Il éprouvait néanmoins un soulagement à l’idée que, sauf la vieille femme qui s’attardait dans la cuisine, il ne restait plus que lui dans la maison. Il avait encore à rendre la place nette. Il se mit à la besogne, et bientôt son beau visage intelligent était rouge de la chaleur des papiers qu’il brûlait. Une valise de cuir se trouvait auprès de lui sur sa table : il commença d’y ranger clairement, systématiquement, le contenu du coffre-fort. À ce moment, son oreille perçut le bruit lointain d’un moteur. Il poussa un cri de satisfaction, reboucla les courroies de