Page:Doyle - Le Ciel empoisonné.djvu/164

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à petit, le mécanisme paralysé commença de se remettre en marche ; les vannes de la mémoire fonctionnèrent ; les idées se rejoignirent dans nos cerveaux. Avec une ardente, une implacable lucidité, nous aperçûmes les rapports entre le passé, le présent et le futur, entre la vie que nous avions vécue et celle que nous allions vivre. Dans un sentiment de muette horreur, cherchant les yeux de nos compagnons, nous y lisions ce qu’ils lisaient eux-mêmes dans les nôtres. Loin que notre chance miraculeuse nous causât aucune joie, nous nous abîmions dans la plus noire détresse. Le mystérieux océan de l’infini avait engouffré tout ce que nous aimions ici-bas ; nous n’étions plus que les prisonniers d’une île déserte, sans amis, sans espoirs, sans désirs. Quelques années encore, nous rôderions comme des chacals parmi les sépultures ; puis enfin, ayant tardé de mourir, nous mourrions seuls.