Page:Doyle - Les Réfugiés.djvu/133

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— Tout le monde a donc juré de me contrarier aujourd’hui, cria le roi, et prenant le petit page par son collet de velours, il le lança à l’autre bout de la chambre. Puis, sans frapper, il ouvrit la porte et entra dans le boudoir de la dame.

C’était une grande pièce haute, bien différente de celle d’où il sortait. Trois énormes fenêtres allant du parquet au plafond prenaient un des côtés, et à travers les rideaux de fine soie rose, le soleil du soir jetait une lumière douce et atténuée. De grands candélabres d’or brillaient entre les miroirs sur le mur, et Le Brun avait prodigué toute la richesse de sa palette sur le plafond, où Louis lui-même, dans le rôle de Jupiter, lançait ses foudres sur un amoncellement convulsé de Titans hollandais et palatins. Le rose était la teinte dominante dans la tapisserie et dans le mobilier, de sorte que la chambre entière avait les reflets adoucis de l’intérieur d’une coquille, et lorsqu’elle était éclairée comme en ce moment, un héros de féerie n’eût pu en rêver une pareille pour sa princesse. À l’autre bout de la pièce, sur un sopha, la figure enfoncée dans des coussins, avec sa belle chevelure blonde en désordre ruisselant sur ses bras blancs et sur son cou d’ivoire aux lignes impeccables, était étendue la femme à laquelle le roi venait signifier son intention définitive de rompre avec elle.

Elle s’était soulevée un peu, et, en apercevant le roi, elle se mit sur pied et courut vers lui, les mains tendues, ses yeux bleus voilés par les