Page:Doyle - Les Réfugiés.djvu/21

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Bontemps avait versé sur les mains du roi quelques gouttes d’esprit de vin qu’il recueillit dans un plateau d’argent, et le gentilhomme de la chambre lui présenta le bol d’eau bénite ; le roi fit le signe de la croix et marmotta la courte oraison du Saint-Esprit. Puis, avec un mouvement de tête à son frère et une brève parole au dauphin et au duc du Maine, il tira ses jambes du lit et resta assis dans sa grande chemise de nuit d’où sortaient ses petits pieds blancs – attitude qui pour tout autre homme eût offert le péril du ridicule – mais Louis avait un sentiment si profond de sa propre dignité qu’il ne pouvait s’imaginer qu’elle pût être compromise dans quelque circonstance que ce fût. Dans cette posture, assis sur le rebord du lit, lui le maître de la France, il n’était pas moins l’esclave du moindre souffle du vent, car un courant d’air le fit grelotter et trembler. M. de Saint-Quentin, le noble barbier, jeta une robe de chambre sur les épaules royales et lui plaça sur la tête une énorme perruque frisée pendant que Bontemps lui passait ses bas rouges et posait devant lui ses pantoufles de velours brodé. Le monarque les chaussa et se dirigea vers la cheminée où il s’assit dans son fauteuil, tandis que les assistants faisaient cercle, attendant le grand lever qui allait suivre.

— Monsieur de Saint-Quentin, n’est-ce pas notre jour de barbe ? fit le roi.

— Oui, Sire, tout est prêt.

— Alors, pourquoi ne commencez-vous pas ?