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LETTRES D’UN INNOCENT

car avant toutes choses il y a l’honneur du nom que portent nos chers enfants, te dire que ce but est immuable, mais d’agir aussi comme je te l’ai dit, car un concours de cœurs généreux que tu trouveras, j’en suis sûr, ne peut que réaliser plus rapidement le vœu suprême que je te crie encore : la vérité sur ce lugubre drame, voir auprès de nos chers petits le jour où l’honneur nous sera rendu ! Et j’ajoute encore pour toi, comme pour tous, ce cri ardent et suprême de mon âme qui s’élève dans la nuit profonde : tout pour l’honneur, ce doit être notre seule pensée, votre seule préoccupation, sans une minute de lassitude.

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Le 4 septembre 1896.
Chère et bonne Lucie,

Je t’ai écrit une lettre hier au soir sous l’impression que me causaient le courrier, les souffrances que nous endurons tous, la douleur enfin de ne lire que quelques lignes de toi ; car après un long silence angoissé de tout un mois, il se produit fatalement à ce moment une détente nerveuse. Je suis comme fou de chagrin, je prends ma tête à deux mains et je me demande par quelle misère du destin tant d’êtres humains sont appelés à souffrir ainsi.

Aussi j’éprouve le besoin de venir causer encore avec toi ; peut-être cette lettre pourra-t-elle encore prendre le courrier anglais comme la précédente.

Si je suis fatigué, épuisé, te dire le contraire, tu ne me croirais pas, car souffrir ainsi sans répit, à toutes les heures du jour et de la nuit, sentir souffrir ceux que l’on aime, se voir frappé dans ses enfants,