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LETTRES D’UN INNOCENT

Le 20 octobre 1896.
Ma chère Lucie,

Je t’ai écrit ces derniers temps de bien nombreuses lettres, dans lesquelles je t’ai encore ouvert mon cœur.

Que puis-je y ajouter ? Je ne puis souhaiter qu’une chose, c’est qu’on ait enfin pitié d’un tel martyre, et d’apprendre bientôt que, par les efforts soit des uns, soit des autres, la lumière est faite sur ce terrible drame dont nous souffrons si épouvantablement longtemps.

Ah ! oui, chère et bonne Lucie, pour toi comme pour moi, je voudrais bien entendre une bonne parole, parole de paix et de consolation, qui vienne mettre un peu de baume sur nos cœurs si broyés, si torturés.

Ce que je ne puis assez te dire, ma bonne chérie, c’est tout ce que je souffre pour toi, pour nos chers enfants, pour nous tous. Je ne croyais pas qu’on pût vivre avec de telles douleurs ; enfin, je ne veux pas insister là-dessus, je ne puis, comme je te le disais, que souhaiter avec toi que, par la découverte de la vérité, nous retrouvions enfin cette atmosphère de bonheur dont nous jouissions tant, l’oubli dans notre affection mutuelle et dans celle de nos enfants.

En attendant tes bonnes lettres, je t’embrasse comme je t’aime, de toutes mes forces, ainsi que nos chers enfants.

Ton dévoué,

Alfred.

Baisers à tous.