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toi, pour tous. Si j’ai pu résister jusqu’ici à tant de misères morales, c’est que j’ai puisé cette force dans ta pensée, dans celle des enfants.

J’espère maintenant que tes lettres d’avril vont me parvenir bientôt, et que je ne subirai pas pour elles une si longue attente.

Je termine en te serrant dans mes bras, sur mon cœur, de toute la puissance de mon affection, et en te répétant toujours et encore : courage et courage !

Mille baisers à nos chers enfants.

Ton dévoué,

Alfred.

Et pour tous, quoiqu’il arrive, quoiqu’il advienne, ce cri profond, invincible de mon âme : haut les cœurs ! La vie n’est rien, l’honneur est tout..... Et pour toi, toute la tendresse de mon cœur.

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Le 24 avril 1897.
Chère Lucie,

Je veux venir causer avec toi en attendant tes chères lettres, non pour te parler de moi, mais pour te dire toujours les mêmes paroles qui doivent soutenir ton inaltérable courage et puis aussi, faiblesse humaine bien excusable, pour venir réchauffer un peu mon cœur si torturé auprès du tien, non moins torturé, hélas !

Je relisais tes lettres de février et tu t’étonnes, tu t’excuses presque des cris de douleur, de révolte que ton cœur laisse échapper parfois. Ne t’en excuse pas, ils sont trop légitimes. Dans cette longue agonie de la pensée que je subis, crois bien que les mêmes douleurs je les connais. Oui, certes, tout cela est