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LETTRES D’UN INNOCENT


Ta lettre m’apprend qu’on a refusé à Me Demange l’autorisation de me voir. J’espère cependant qu’elle lui sera bientôt accordée.

Quant à toi, je compte les heures jusqu’à vendredi.

Merci des bonnes lettres que je reçois de tous. Remercie-les de ma part et dis-leur que c’est une des meilleures heures de ma journée que celle qui se passe à lire ma correspondance. Mais je me sens incapable de leur répondre à tous. Je n’ai rien à leur dire, sinon que je suis résigné et que j’attends la découverte de la vérité.

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Le 10 janvier 1895, 9 heures, matin.

Depuis, ce matin 2 heures, je ne dors plus dans l’attente où je suis de te voir aujourd’hui. Il me semble que j’entends déjà ta voix chérie me parler de mes chers enfants, de nos chères familles… et si je pleure, je n’en ai pas honte, car le martyre que j’endure est vraiment cruel pour un innocent.

Quel est le monstre qui est venu jeter le malheur et le déshonneur dans une brave et honnête famille ? À celui-là, s’il y a réellement une justice sur cette terre, il n’y a pas de châtiments qu’on ne doive réserver, il n’y a pas de torture qu’on ne doive infliger un jour.

Mais mon courage ne faiblit pas. J’ai des minutes pénibles quand mon regard s’appesantit sur la situation présente. Mais je me réconforte en pensant à l’avenir ; grâce à ton héroïque dévouement, à vos puissants efforts à tous, il est impossible que la